Commercialiser les poissons en aquaponie ?

C’est une question qu’il faut impérativement se poser quand on envisage une production aquaponique qui excède sa consommation personnelle, comme c’est notre cas. En fonction de la forme sous laquelle les poissons seront vendus, et du type de clientèle, la législation applicable est différente. Les contraintes sont également plus importantes, par exemple pour vendre des filets de poisson à un supermarché qui va les revendre, que pour vendre sur place des poissons vivants.

J’avais posé la question à la DD(CS)PP de mon département, et je vous livre ci-dessous la réponse de l’Administration:

COMMERCIALISATION DES PRODUITS DE PISCICULTURE en vue de la consommation humaine. Différents statuts sanitaires possibles.

Le producteur primaire :
Règlement UE 178/2002 du 28 janvier 2002 (sécurité alimentaire des denrées alimentaires) article 3 paragraphe 17 : « Production primaire : la production, l’élevage ou la culture de produits primaires, y compris la récolte, la traite et la production d’animaux d’élevage avant l’abattage. Elle couvre également la chasse, la pêche et la cueillette de produits sauvages. » Règlement UE 852/2004 du 29 avril 2004 ( hygiène des denrées alimentaires ). L’annexe I partie A fixe les dispositions générales d’hygiène applicables à la production primaire et aux opérations connexes. Les activités de production primaire ne nécessitent pas d’agrément, elles doivent satisfaire aux exigences générales d’hygiène de l’annexe I.

Partie I : champ d’application : La présente annexe s’applique à la production primaire et aux opérations connexes suivantes :

a) le transport, l’entreposage et la manipulation de produits primaires sur le lieu de production, pour autant qu’ils n’aient pour effet d’en modifier sensiblement la nature ;

b) le transport d’animaux vivants

c) dans le cas de …. produits de la pêche… les opérations de transport pour livrer des produits primaires dont la nature n’a pas été sensiblement modifiée depuis le lieu de production vers un établissement.

Partie II : Dispositions d’hygiène :

– Veiller à ce que les produits primaires soient protégés contre toute contamination ( provenant de l’air, l’eau, le sol, les aliments pour animaux, les engrais, les médicaments vétérinaires, les produits phytosanitaires et biocides, les déchets …)

– Respect des mesures relatives à la santé et au bien-être des animaux.

– Bonnes pratiques d’hygiène et d’élevage : nettoyage, désinfection, eau potable ou eau propre, formation du personnel, nuisibles …

– Tenue de registres ( aliments, traitements, maladies, résultats d’analyses …).

Règlement UE 853/2004 du 29 avril 2004 ( règles spécifiques d’hygiène applicables aux denrées alimentaires d’origine animale ). Annexe III section VIII Produits de la pêche Point 4 :

a) La production primaire couvre l’élevage, …et la récolte de produits de la pêche vivants en vue de leur mise sur le marché,

b) 1) le transport et le stockage des produits de la pêche dont la nature n’a pas été substantiellement modifiée, y compris les produits de la pêche vivants, dans les fermes aquacoles situées à terre.

2) le transport des produits de la pêche dont la nature n’a pas été fondamentalement altérée, y compris les produits de la pêche vivants, du lieu de production jusqu’au premier établissement de destination.

Un produit primaire d’aquaculture est un produit vivant. Les produits primaires vivants peuvent être transportés ( en citernes, en viviers) vers tous lieux ( un établissement agréé type un établissement d’abattage, un commerce de détail), pas de limitation de quantité ou distance, transport par le producteur ou un prestataire.

Toute autre opération qui serait pratiquée sur le site de l’élevage avant livraison par l’aquaculteur ne fait partie de la production primaire et nécessite un agrément: ainsi l’abattage et les manipulations de produits d’aquaculture en vue de la vente à un établissement sont des activités qui nécessitent un agrément sanitaire au titre de la section VIII annexe II du Règ 853/2004.

L’aquaculteur peut vendre directement au consommateur final des produits primaires, donc des produits vivants. Cette forme de commercialisation est considérée comme un prolongement direct de son activité de producteur.

Le commerce de détail :
Les activités en vue de la vente au consommateur final sont exclues du champ de l’agrément sanitaire ( Règ 853/2004 chapitre I article 1er point 5 a ). Ces activités doivent satisfaire aux dispositions générales d’hygiène pour tous les exploitants du secteur alimentaire ( sauf lorsque l’annexe I production primaire est applicable ) spécifiées dans l’annexe II du règ 852/2004 ( locaux, équipements, fonctionnement, HACCP, guide de bonnes pratiques hygiéniques …).

Le producteur aquacole agit dans ce cas en tant que commerce de détail lorsque ses manipulations (abattage, éviscération, filetage …) vont au-delà de la production primaire mais que les produits sont destinés exclusivement au consommateur final ( vente à la ferme aquacole, étal sur les marchés ). L’activité doit être déclarée auprès de la DDPP ( confère le formulaire de déclaration d’activités CERFA 13984), ce qui permet à celle-ci d’identifier les activités ( préparation, transformation, stockage, mise en vente, transport ) et de diligenter une inspection.

L’agrément sanitaire :
Dès lors que les activités vont au-delà de la production primaire et que les produits sont destinés à des établissements ( donc hors consommateur final ), la règle générale veut que l’exploitant soit soumis à une demande d’agrément ( Règ 853/2004 article 4 et exigences spécifiques aux produits de la pêche de la section VIII). Avant le démarrage de l’activité, l’exploitant fait parvenir une demande d’agrément ( CERFA 13983*3 ) et l’ensemble des pièces du dossier prévu par l’arrêté ministériel du 08 juin 2006 relatif à l’agrément sanitaire. En conséquence, si l’aquaculteur procède par exemple à l’abattage des poissons, leur éviscération et conditionnement en vue de la commercialisation à un commerce de détail ( restaurant, poissonnerie, GMS ou à un établissement agréé ( halle à marée, mareyeur, établissement de transformation …), il est tenu d’être agréé et de mentionner sa marque d’identification sur l’étiquetage des produits finis.

La dérogation à l’agrément sanitaire :
La règle veut qu’un commerce de détail ne puisse vendre qu’au consommateur final car sinon, s’il commercialise auprès d’un autre commerce de détail qui est un intermédiaire entre lui et le consommateur final, il doit disposer d’un agrément sanitaire Cependant le règ 853/2004 chapitre I article 1er point 5 b) ii) accepte qu’un commerce de détail puisse déroger à l’obligation d’agrément s’il commercialise à d’autres commerces de détail, à la condition que cette activité reste marginale : la quantité de denrées cédées à d’autres commerces de détail doit être limitée ( moins de 250 kg de produits finis par semaine ), la distance avec les établissements livrés ne doit pas excéder 80 km. Ces dispositions sont explicitées dans l’arrêté ministériel du 8 juin 2006 et une demande de dérogation à l’agrément doit être adressée à la DDPP ( formulaire CERFA n°13982 ).

La prestation de service :
Lorsque l’aquaculteur possède un commerce de détail pour la vente au consommateur final de poissons abattus et préparés ( éviscérés, filetés par exemple ), il peut demander à un établissement de manipulation agréé ou dérogataire ( type fumage …) de réaliser une prestation de transformation pour son compte. Les produits obtenus ne pourront être vendus par le producteur qu’au consommateur final.

Le pisciculteur agit en tant que producteur primaire : uniquement des produits vivants. Le pisciculteur agit en tant que commerce de détail : poissons abattus, entiers ou filetés, transformés. Le pisciculteur agit en tant que dérogataire à l’agrément : poissons abattus, entiers ou filetés, transformés, mais activité marginale. Le pisciculteur agit en tant qu’établissement agréé : poissons abattus, entiers ou filetés, transformés. Mise sur le marché communautaire.

10 Comments on “Commercialiser les poissons en aquaponie ?

  1. Merci Laurent de faire un résumé du parcours du combattant 😉
    Je pense que sans s’adresser aux chambres de commerce et aux chambres d’agricultures pour se faire aider dans ces parcours, c’est à en perdre ses cheveux blancs :p

    • Salut Maël,

      En l’occurrence ce sont surtout les chambres d’agriculture, car les CCI ne sont pas compétentes pour le secteur agricole.
      A bientôt,
      Laurent

  2. Bonsoir
    Merci pour ces infos vraiment très utiles qui recoupe ce que j’ai déjà lu
    Bon courage pour la suite de ton aventure 🙂
    Fred

  3. Bonjour Monsieur,
    bravo pour votre projet que je viens de découvrir.
    Si j’ai bien compris, il est donc possible de vendre du poisson en direct, même transformé ?
    Faites vous également des oeufs de truites ? Et si oui comment ?

    Je vous souhaite une belle réussite dans ce projet.

    Cordialement

    • Bonjour,
      Il est possible de vendre du poisson en direct. Sans agrément sanitaire, uniquement du poisson vivant.
      Avec un agrément sanitaire, on peut procéder à l’abattage, à l’éviscération, au filetage, voire au fumage mais les conditions d’hygiène sont plus contraignantes dans ce cas. En ce qui me concerne, j’envisage de confier le fumage à un professionnel, qui réalisera également le conditionnement sous vide et l’étiquetage.
      Concernant les oeufs de truite, je ne prévois pas de les commercialiser, ce ne sont que de petits volumes et un process très particulier…

  4. Merci pour votre réponse.
    À bientôt pour certainement d’autres questions.
    Bonne journée.

  5. Bonjour Laurent, merci pour ces documents et explications !
    Une question subsiste de mon côté : qu’en est-il de la nourriture données aux truites durant l’élevage ? Faut-il qu’elle soit « industrielle », en tout cas étiquetée, tracée,… ou est-il possible d’incorporer de la nourriture « maison » : vers, insectes, déchets carnés ?

    Merci d’avance pour ton retour

    • Bonjour,
      Dans le cas où les poissons seront consommés par quelqu’un d’autre que l’éleveur ou sa famille, il est indispensable d’avoir une registre d’élevage, qui contient entre autres une traçabilité des aliments donnés aux poissons, en cas d’intoxication par exemple. Il est donc obligatoire de passer par des aliments traçables…
      Dans le cas d’une auto-consommation, il est tout à fait possible d’envisager des aliments très divers, tels que vous les mentionnez.
      Merci de votre intérêt

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